Partager

Le transport de chaleur dans les plasmas chauds

La question du transport de chaleur est fondamentale pour comprendre les propriétés radiatives ou hydrodynamiques des plasmas chauds. Grace au développement de nombreux diagnostiques plasmas, le LULI joue un rôle de première importance pour élucider ces phénomènes complexes.

La question du transport de chaleur est fondamentale non seulement dans le cadre de la FCI mais également en astrophysique. Dans le cadre de la FCI en attaque indirecte, les expériences menées sur le National Ignition Facility (NIF) ont mis en évidence un déficit énergétique par rapport aux simulations de l’ordre de 200 kJ sur les 1.6 MJ d’énergie laser initiale. Une piste pour expliquer ce déficit énergétique est la meilleure prise en compte du transport de chaleur dans les codes hydrodynamiques. L’énergie laser est déposée là où la densité critique se trouve puis transportée par les électrons vers les murs de la cavité. Les modèles classiques de transport de chaleur (de type Spitzer) ne parviennent pas à reproduire les données expérimentales obtenues. Ces mêmes modèles défaillants dans ces régimes de haute densité d’énergie sont utilisés en astrophysique.


L’influence des champs magnétiques, auto-générés ou pré-imposés, sur le transport de chaleur peut également être étudié.

Les particules rapides (particules alpha, protons) sont un autre vecteur de transport de chaleur. Le dépôt de chaleur par particules rapides est fondamental en FCI ; en effet, l’ignition ne peut être atteinte que si les particules alpha redéposent leur énergie dans le point chaud (et non dans son environnement). Le pouvoir d’arrêt des particules rapides dans la matière dense et chaude est donc un sujet d’étude primordial. Dans ce régime, les expériences sont encore peu nombreuses et sont encore trop imprécises pour discriminer les différents modèles de pouvoir d’arrêt. APOLLON, en permettant l’accélération de particules à des vitesses relativistes, autorisera d’étendre les études actuelles aux très grandes vitesses ioniques. L’équipe de J. Fuchs conduira les études sur cette thématique.

L’existence d’une fraction non négligeable d’électrons supra-thermiques (générés par instabilités paramétriques) peut également, dans certains cas, empêcher toute ignition. Des mesures pour s’en prémunir ont été implantées mais une caractérisation précise de la distribution électronique reste d’intérêt, notamment dans le cadre des expériences d’allumage par choc. Des expériences, utilisant des outils de spectroscopie et analysées à l’aide du code MARIA de F. Rosmej, ont été menées avec succès par l’équipe PAPD sur les lasers LULI2000, PALS et ELFIE.

Le temps d’équilibre électron-ion : Les électrons, ayant une masse plus faible que celle des ions, répondent les premiers à l’excitation laser. Dans les premiers temps de l’irradiation laser, la température des électrons est alors supérieure à celle des ions. La chaleur est ensuite transportée des électrons vers les ions par collisions. Les équilibres thermiques ion/ion et électron/électron s’établissent rapidement alors que l’équilibre thermique électron/ion est atteint ultérieurement. Ces conditions « hors équilibre » peuvent conférer à la matière des propriétés atypiques. La détermination de la vitesse de relaxation électron-ion dans ce domaine complexe de la matière dense et chaude est donc un actif sujet d’étude . Le LULI, avec ses installations laser CPA (pico2000 et APOLLON), susceptibles de chauffer la matière avant toute expansion hydrodynamique, contribuera efficacement à ces efforts internationaux.

Le transport radiatif : La connaissance de l’opacité de plasmas à des densités plusieurs fois la densité du solide et des températures allant de la centaine d’eV jusqu’au keV reste un challenge aussi bien théorique qu’expérimental. En physique stellaire, les coefficients d’absorption des éléments constitutifs des étoiles conditionnent le transport de chaleur du cœur de celles-ci vers leur surface. Dans le cas du Soleil, la question de l’opacité du fer reste un mystère. Les expériences menées au Sandia National Laboratory (USA) ont montré que l’opacité du fer dans les conditions du soleil est encore très mal comprise et que les données expérimentales dans ce domaine étaient nécessaires.
Ce que nous avons réalisé au LULI : Le LULI a développé - en collaboration avec le CEA (DRF et/ou DAM) - deux plateformes dédiées aux mesures d’opacité, en cavité et en géométrie ouverte, sur LULI2000. La première de ces deux plateformes est consacrée à l’étude des opacités X et XUV au voisinage de l’équilibre thermodynamique. Le chauffage radiatif – uniforme mais modéré (de l’ordre de quelques dizaines d’eV) - d’éléments de Z intermédiaire est assuré grâce à une double cavité novatrice. Après une première démonstration pour des plasmas de nickel, la plateforme sera prochainement utilisée pour collecter de nouvelles données expérimentales afin de répondre, par exemple, au problème posé par l’opacité du fer dans les conditions du Soleil et à celui du rôle des dopants d’ablateurs dans les microballons de fusion.
La seconde plateforme, développée sur l’installation ELFIE puis sur PICO2000, est dévolue à l’étude de plasmas hors équilibre, chauds - de l’ordre du keV - et à la densité du solide, pour l’astrophysique et la FCI.